Croire dans une quête

Croire dans une quête

1         Un constat central

Tous les médias uniformes nous disent que l’idée d’un complot mondial ourdi contre les peuples par une élite est ridicule ; ils nous suggèrent que la Science va résoudre tous les problèmes ; ils nous ressassent en boucle que l’argent fait le bonheur et que le bonheur est dans les choses futiles ; les experts et les politiques parlent sans arrêt, il nous faudrait croire aveuglement dans leur assurance pourtant chaque jour mise à mal. Tous nous disent comment penser et nous savons bien qu’ils nous mentent, nous sentons bien que nous sommes enfermés, qu’il nous manque quelque chose d’important.

La foi est remplacée par les publicités et les films ; les supermarchés sont nos temples ; la joie est remplacée par l’infinie variété des drogues ; la santé ne dépend que de médications ; le verbe croire ne sert plus qu’à insulter les gens.

Il nous manque le merveilleux, le sensible, le proche, etc., toutes choses que les rationalistes adorent mépriser et que nos gouvernements piétinent sans états d’âmes, en toute contradiction avec les grands discours éhontés de nos politiques.

Nous ne voulons pas remplacer la raison par la magie. Nous voulons l’équilibre des deux, parce que tous les calculs des sciences et des profits n’empêcheront jamais le fait que le monde est mystérieux et magnifique, ils n’empêcheront jamais le fait que la vie est bouleversante de profondeur et de sens.

Nous voyons bien que la guerre d’éradication qui a lieu est aberrante et qu’elle touche tout le monde, même ceux qui la mènent. Ceci est le centre de notre constat, aucune équation scientifique ni aucune prévision comptable, aucune menace ni aucun contrôle des masses n’y pourront rien.

Nous voulons du sens et nous savons bien que ce désir est légitime, essentiel, universel et inexpugnable à jamais.

2         Nécessaire aparté

Je suis encore une fois en train de prendre le risque de donner ma proposition pour faire face à ce qui est le problème central de notre civilisation occidentale mondialisée. Je connais tellement bien ce risque que je veux anticiper toutes ses conséquences. Je suis donc obligé de faire un aparté qui parle de moi. Et aussi de vous.

2.1       Moi

Il se produit une chose terrible dans ma vie : je la passe à essayer de montrer que je suis intelligent et fiable dans la conduite de ma pensée, je passe mon temps à montrer que la conciliation est la clef et que reconnaître ses erreurs est un commencement et des tas d’autres choses. Et j’y parviens.

Mais voilà, où que ce soit, dès lors que je parle du sujet qui me semble le plus sous-estimé, le plus grave et nécessaire à notre monde, tous oublient mes succès et ne me fournissent que des réponses standard : je suis ridicule au point de ne pas voir la stupidité de ce que j’avance ; je suis un illuminé ; quelle perte de temps de m’écouter, etc. Parfois je reçois un argument massue : si j’avais raison, d’autres y auraient pensé avant, donc j’ai tort… Certains d’entre mes lecteurs ont vu un petit billet que j’ai écrit sur le savoir bailler, n’en cherchez pas ailleurs la cause.

On ne se donne que les problèmes que l’on peut résoudre. Quand, voici un quart de siècle, est venue s’ouvrir à moi une certaine recherche, qui s’était déjà ébranlée dans mon enfance, j’ai été reconnaissant qu’une grande quête me transporte enfin. J’ai œuvré lentement, passionnément, étapes par étapes, et j’ai fait aboutir quelque chose, dans une joie immense et sans cesse nouvelle.

Mais ce que j’ignorais, c’est que je m’étais inconsciemment posé en même temps que ma recherche un tout autre problème, démesuré celui-là, que je ne parviendrai apparemment jamais à résoudre. J’étais archi-dépassé : quand j’ai voulu expliquer mes découvertes aux autres, mes sons devenaient soudain incompréhensibles et ma plume ne laissait tout d’un coup plus que l’impression des griffures incohérentes. Tant qu’on n’est pas lu, on ne sait pas ce que l’on a écrit. J’en suis parvenu à jeter le lendemain tout ce que j’écrivais un jour, tout était illisible même pour moi, l’auteur. Je parle bien de deux décennies d’essais dans un vide sidéral.

Quand il s’était agi de découvrir un outil de pensée somptueux, connu en secret de quelques initiés, quand il s’était agi d’en faire profiter ma propre vie, et puis d’en faire profiter d’autres vies, tout marchait plutôt bien et tout marche encore plutôt bien, d’ailleurs. C’est déjà ça.

Mais il y a toujours eu une condition infranchissable pour servir les autres : me taire sur mon objet. C’est quand il s’est agi de donner l’outil aux autres que tout est devenu compliqué : j’ai rencontré un mur d’une épaisseur et d’une hauteur à peine concevables ; j’étais, je suis encore, estomaqué. C’est un peu comme avec la parabole du poisson : tant que je pèche pour les autres ça marche, mais si je veux apprendre aux autres à pécher, ça coince irrémédiablement.

Même si j’en pèche devant eux tous pensent obstinément qu’il ne peut pas y avoir de poisson dans ce lac ; à moins qu’ils ne pensent que c’est trop compliqué pour eux d’imaginer qu’il puisse y en avoir. À quoi bon apprendre à pécher s’il n’y a pas de poisson ?, se disent les mêmes qui reviennent parfois me voir pour être nourris.

Dites-vous que le poisson ici représente métaphoriquement le sens et le lac, le monde et vous aurez une idée de mon effarement. Le pire de tout, c’est que je sais exactement depuis le début comment ça coince, mais que je ne peux pas l’expliquer, puisque pour comprendre, il faut avoir compris.

Si dans cette quête je ne me suis fait aucun nouvel ami, j’ai quand même découvert émerveillé qu’en réalité j’en avais déjà un nombre étonnant, mais que c’était des amis de papier et qu’ils étaient presque tous déjà morts avant que je naisse. Ces gens je les ai rencontrés parce que je prenais très au sérieux ce que j’étudiais, que je doutais et creusais sans cesse.

J’ai cessé de lire des romans et de la littérature : ce n’était que des passe-temps et ce n’était pas assez dense. J’ai ouvert à la place des livres de philosophie, puis je suis allé à la faculté. Et j’ai vu là que ma quête n’était pas ridicule, qu’elle se nichait en la philosophie elle même, discrète, mais extrêmement concentrée chez certains auteurs parmi les plus immenses.

Dans le texte que vous lirez peut-être, j’exprime que la philosophie est dans une mesure précise la cause de nos malheurs actuels et que précisément c’est là qu’il faut commencer à se poser des questions. C’est parfaitement exact, mais il faut dire que la philosophie contient aussi bon nombre de recherches et d’explications de ce qui fait toute notre folie, en parfaite cohérence avec l’ensemble de mes observations. La philosophie contient donc le constat de ce qui fait notre pathologie, mais pas le remède, que certains n’ont qu’aperçu dans sa trop grande simplicité, remède qui est bel et bien ailleurs que dans la philosophie, forcément puisqu’elle est volontairement borgne.

J’ai découvert néanmoins qu’en philosophie il existe une lignée de « croyants » qui s’étire de l’antiquité jusqu’au siècle dernier. Cette lignée n’est pas morte, elle est en sommeil, car la « perfection » rationaliste l’empêche à peu près partout de se montrer, cette même impitoyable « perfection » qui est en train de nous faire tous trembler de peur en ces jours de confinement.

2.2       À vous

Aujourd’hui le mur se lézarde de lui-même. J’ai peut-être ma chance d’être écouté. Non, il serait plus exact de dire vous saisirez peut-être la chance d’écouter le porte-voix que je suis. Car, tout d’un coup, de celui qui se noie en quémandant une bouée à tous ceux qui regardent passivement son désespoir, je deviens le seul à disposer d’une bouée quand tout le monde se noie autour de moi.

Je sais qui vous êtes par rapport à cette quête, je sais ce qui sera difficile pour vous.

D’abord vous êtes très intelligents. Je parle de QI. Fixons une fois pour toutes que la puissance de l’intelligence n’implique aucun jugement de valeur et n’a strictement rien à voir avec la réussite, la culture ou la façon de penser. C’est un jugement d’aptitude personnelle innée à laquelle on ne peut rien changer. Je le disais au-dessus, je le répète ici, car c’est ça le QI : chacun se pose les problèmes qu’il peut résoudre. Le mérite est identique, seule l’honnêteté compte : tout est utile au monde, ainsi fonctionne-t-il. Ce que je dois expliquer est neuf, donc il faut beaucoup d’intelligence pour le comprendre. Le redistribuer ensuite vers les gens moins puissants, mais plus nombreux est le devoir de chacun.

Vous avez le sens d’un devoir, voilà une autre condition. La correction de la pensée, l’exigence de droiture, etc. En un seul impératif : servir, ce qui ne doit pas être amalgamé avec l’altruisme. Nombreux aujourd’hui sont gravement malades de ce point de vue. Ils sont drogués au profit ou au pouvoir, qui ne sont encore qu’abus de rationalité. Ainsi sont ceux qui possèdent ce monde, usant contre lui de leur prodigieux QI. Tous parmi eux ne peuvent être guéris individuellement, car ils sont allés beaucoup trop loin. Il faudra attendre leur mort. Mais nous œuvrons aussi pour eux, pour pouvoir agir ensuite avec eux et leur offrir la joie d’agir en commun.

Vient ensuite la double impasse de la formation : vous êtes trop ou pas assez formés. Les élèves sont strictement formatés dès l’école à ne prendre qu’une seule explication du monde pour le monde entier. Les étudiants sont sélectionnés d’abord selon leur docilité à croire dans la fable du rationalisme. Or bien évidemment, pour expliquer le monde il faut décrire le monde entier. La forte majorité des gens éduqués par le système universitaire sont empêchés « par nature » de percevoir ce qui veut se donner ici. Pourtant, si tant est qu’ils veuillent sincèrement changer le monde, ce sont eux qui devraient être les premiers concernés par la modification de leur méthode de pensée, puisqu’elles gouvernent le monde. Première impossibilité : ceux qui ont le niveau de cette recherche sont programmés pour l’éviter scrupuleusement. Ensuite, il y a ceux qui « se sont fait voler leur cartable », les autodidactes qui, ayant échappé au conditionnement, ont préservé leur capacité à penser par eux même. Seulement voilà, très peu d’entre eux, même très intelligents, sont habitué à lire des choses complexes. Seconde impossibilité : ceux qui désirent cette recherche sont découragés avant même de l’aborder.

A la minuscule intersection de ces deux impossibilités, celle où je me situe, réside le seul point d’entrée spontané possible à cette compréhension : être rempli de désir et capable de croire ; être très intelligent ; être un autodidacte très bien entraîné à l’intellectualité. Il y a d’autres critères, comme avoir de la disponibilité, mais l’idée est là. Je n’ai entraperçu que très récemment deux personnes correspondant apparemment à ce très rare profil, c’était des rencontres aussi fugaces que puissantes. Je les appelle en renfort et j’appelle tous ceux-là en général : les grands libres penseurs qui ont de l’espace de pensée disponible.

Autour de cette improbable intersection, gravitent des gens plus nombreux, qui sont très intelligents, qui ont le désir et la disponibilité, mais qui sont soit trop incrédules soit pas assez surs d’eux-mêmes. Ils sont mon plus grand lectorat potentiel. Ceux-là auront de la difficulté, les uns pour oublier ce qu’ils ne savent que trop et les autres pour l’effort d’apprendre à saisir la complexité, mais il ressentiront aussi de la joie, la joie que l’on ressent lors du combat, car c’est de cela qu’il s’agit pour nous tous un combat pour découvrir ce que le monde peut nous dire.

Dans mon écriture, j’essaye de tenir compte des gens simples en évitant le vocabulaire compliqué ou les références culturelles. Mais il y a quand même un vocabulaire incontournable à mobiliser, car nous devons désigner les choses avec précision, même celles que l’on connaît déjà intuitivement. C’est un ralentissement notable de la lecture, mais il n’est pas seulement question de lire et de comprendre, il est question d’apprendre à maîtriser un outil de pensée oublié. Il est question de conquérir une autonomie et cela ne se fera pas sans un apprentissage, comme l’on fait avant de conduire une voiture pour aller là où l’on veut et ne plus se laisser conduire.

Cet article a 2 commentaires

  1. Sylvie

    Salut Mathieu
    Texte très bien écris avec des mots que je comprends, mais je me perd dans la longueur.
    Les gens vont se réveiller ????
    Il faut toucher le fond ??

  2. Patricia Cayzeele

    Si on se base sur la philosophie, il est évident que chacun trouvera une partie des réponses qu’il attend. De Platon à Socrate ou autres, il y a un océan à franchir. Chaque individu est plus ou moins influencé par chacun d’eux mais aussi par l’éducation qu’il a reçu ou hérité. Et comme tu dois le penser, il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de réponse, il n’y a que des manières d’interpréter les problèmes de la vie mais la solution reste en chacun. Ensuite la notion de QI est pertinente car elle diffère réellement d’une personne à l’autre. Après, il y a des personnes comme moi qui restent persuadées qu’il existe un complot mondial pour diminuer la population et enrichir toujours plus un petit nombre d’individu, mais là est une autre vision. Et faire partager celle-ci est très délicate selon les croyances philosophiques ou religieuses des uns et des autres. Mais, tu as raison de nous faire partager tes recherches car elles permettent d’entrevoir le bout d’un tunnel dans lequel nous sommes tous plongés. On a besoin d’être éclairé, de ne pas se figer sur un seule idée… Et surtout, tes écrits sont à la portée de tous y compris de moi. Merci Mathieu.

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