Les niveaux de perception individuelle des médias

Je suis devenu sur le tard un grand lecteur de toute sortes de médias d’information. Même si certains indices m’y avaient préparé, j’ai pris conscience d’un seul coup qu’il existait différents niveaux de perception de l’information sur le monde. Je viens seulement ces jours derniers de trouver une cristallisation qui ne me semble pas trop mal.

Voici une dizaine d’années, j’allais presque quotidiennement sur google-news consulter les événements du jour, satisfait qu’un site regroupe ce que je percevais comme toute l’information pertinente du monde. Je n’avais pas remarqué l’homogénéité parfaite de tout ce que je recevais ; je n’avais pas non plus remarqué qu’il manquait des tas de choses et encore moins que de fameux titres journalistiques mentaient comme des arracheurs de dents avec beaucoup d’intelligence et de technicité. Ça m’a pris des années juste de pouvoir dire à voix haute quelque chose d’aussi énorme.

Avant de rencontrer, bien sûr par hasard, le plus élevé des sites de la réinformation francophone, je flirtais déjà depuis longtemps avec le complotisme, avec le même genre de gourmandise que lorsque je me régalais de l’excellente science-fiction des années 1970-1980. J’y croyais sans y croire : j’avais la liberté de mon imaginaire, mais j’étais tenu en laisse par l’épithète a priori honteuse de « complotiste » que je ne voulais pas voir accolée à ma personne. Comme tout le monde.

Dedefensa est tenu par un historien d’âme et d’esprit, un autodidacte génial au sens strict du terme, qui écrit des billets de géopolitique bien plus qu’intéressants, profonds et puissants, avec un style étrange et contourné bien à lui, et ce depuis peut-être 40 ans, c’est à dire bien avant l’Internet. Ce Philippe Grasset a même créé ses propres concepts pertinents et son propre glossaire pointu. Je conserve un souvenir émerveillé de cette rencontre première, de l’éveil qu’elle m’a procuré. Quand j’ai lu son premier article un voile s’est déchiré : je n’avais plus qu’a pousser la porte : il existait une source crédible, extrêmement rigoureuse, impossible à taxer de complotisme, même l’immonde Decodex ne s’y est pas aventuré. Cette source-là, si unique et précieuse parlait chaque jour de choses strictement inconnues d’absolument tous les médias faisant partie de la liste de Google-News… Comme ça me paraissait étrange.

J’étais parvenu tout seul au niveau deux de l’information, et là je tombais d’un coup dans le niveau quatre, au sommet de ce qui se fait en francophonie. Il faut dire que le troisième niveau, le vulgaire mensonge politique de mon pays, n’a jamais rien fait pour soulever mon intérêt, tant je n’y ai jamais vu que de la fade et banale médiocrité. J’avais 8 ou 9 ans quand de Gaule à quitté le gouvernement en homme de parole. Tous ceux qui ont suivi n’avaient plus de parole, sinon celle du maître.

L’appellation « complotisme » que j’emploie en critère alpha de mes catégories nécessite un éclaircissement. En effet je vais placer Dedefensa dans les complotistes, alors que Mr Grasset s’en défendra toujours bec et ongles. L’explication est simple, ce n’est pas exactement le même sens du mot. Soit on prend comme je le fais la définition du dictionnaire, soit on prend la sur-définition arbitraire, imposée par les médias eux-mêmes comme un contre-feu, qui voudrait faire croire qu’être complotiste est à la fois idiot et dangereux alors qu’être anticomplotiste ou non complotiste, comme eux, est raisonnable et vertueux.

Car le critère qui fait basculer des niveau 1 et 2 au niveau 3 et 4, c’est le fait de savoir pertinemment qu’il existe un complot gouvernemental orienté strictement capital et donc contre le peuple. Mr Grasset et les autres évoquent chaque jour clairement ce complot, mais tous développent des trésors de précautions pour éviter de le désigner par son vrai nom, on comprend pourquoi.

Pour ma part, j’en suis venu très naturellement à ce fait, d’abord parce que je pense que ne pas désigner les choses par leur nom n’est pas la bonne procédure quand on veut être compris. J’ajoute, à leur corps défendant, que contrairement à eux je n’ai pas de douloureux historique de respectabilité défendue à chaque instant, depuis des décennies pour certains, et que je débarque dans un moment où c’est non seulement possible de faire ce geste, mais où c’est nécessaire : j’en fais donc une fondation de mon discours et de mes catégories.

Il est donc respectable d’être complotiste, puisque complot il y a. Le vaste débat sur les bornes du complotisme est un autre sujet.

Les quatre niveaux de perception

Les non-complotistes

Niveau 1 : L’affirmation. Les médias de masse font de leur mieux pour décrire le monde comme il est. Pour celles et ceux qui ont l’intelligence de se poser des questions : il n’y a aucune question à se poser, tout est cohérent, on a déjà condescendu à répondre ici, là et là, aux ridicules allégations complotistes, ceci prouve d’ailleurs que tout est vrai. Le complotisme c’est mal ou honteux, on peut s’en moquer librement puisque c’est une dégénérescence de la raison, mais un vrai humaniste aura pitié et s’en ira, philosophe dépité de tant de folie. Ne nous leurrons pas, il faut déployer énormément d’intelligence et de self contrôle pour maintenir autant de mensonges et d’énormités à ce point là, tout en paraissant bien-sûr d’une parfaite et intègre probité. Quand on arrive par exemple à l’intellectualité raffinée de France-Inter ou du Monde on sait qu’on touche là au très grand art de la contorsion. Soyez prévenus, un tel talent peut faire douter à chaque fois même le plus averti. Dans ce niveau se trouvent à la fois une bonne partie de la masse des spectateurs peu cultivés de TF1, qui constituent l’électorat quantitatif. Mais on trouve aussi la quasi-totalité des gens de médias, des universitaires, des fonctionnaires, des experts et que sais-je encore ?

Niveau 2 : Le doute sans danger. Les médias appartiennent aux banques, comme le gouvernement. Ils sont possédés et l’on sait qu’ils mentent. Mais voilà : accepter vraiment cette connaissance vous fait basculer dans le complotisme, or le complotisme, c’est mal, c’est honteux, etc., on a déjà répondu ici, là et là, etc. On se contente de savoir qu’ils mentent et comme on le sait on est persuadé de ne pas se laisser avoir. Seulement, on refuse de savoir comment ils mentent, donc on se laisse quand même piéger à chaque fois. On toise les complotistes avec de l’affect en guise de distanciation, parce que si on cherche des arguments on risque fort de se trouver devant la contradiction. Les gens de ce niveau peuvent rester en boucle sur l’argument qu’ils ne s’y connaissent pas assez pour décider.

Les complotistes

Niveau 3 : Le complot national. C’est un niveau 2 éveillé. Les médias et le gouvernement appartiennent aux banques, ce qui explique bien des mensonges. Ils vont au combat et se font taxer de complotistes, c’est assumé. C’est une catégorie faible en nombre, mais en voie d’apparition avec le cynisme gouvernemental qui s’affiche de mieux en mieux. Les explications sont d’ordre national. Les médias mentent, les gouvernants sont stupides ou incompétents ou bien sont corrompus et ne pensent qu’à leur profit personnel. Il suffirait de changer de gouvernement pour tous résoudre, mais on voit bien que les élections sont truquées.

Niveau 4 : Le complot mondial. Les médias et le gouvernement de la majorité des pays occidentaux appartiennent à diverses catégories d’acteurs transnationaux ultra riches et ultra puissants agissant dans l’ombre et main dans la main. Banques, industries, énergie, armements, etc. Les gouvernements des autres pays sont soumis à des tentatives répétées de noyautage par les occidentaux au moyen de pratiques standardisées. On parle de gouvernance mondiale, on nomme état-profond l’ensemble de ses exécutants et on nomme son projet le nouvel ordre mondial. On parle de l’Empire Américain avec la construction européenne perçue strictement comme une vassalisation de ses pays tenus par la corruption et le chantage. Cet Empire à l’apogée dans les années 1990 est en déclin accéléré et nous souffrons de ses convulsions. Ce qui va probablement le remplacer sera la construction multipolaire que dessinent en ce moment le puissant duo Russie-Chine.

Le niveau 4 est celui de la géopolitique. Il est le seul pertinent pour se faire une idée complète de ce qui se passe dans toutes les crises que nous vivons. De très nombreux livres et de commentaires sont écrits sur le sujet. Ils permettent la démystification des messages médiatiques, l’établissement de diagnostics et même de prévisions.

Les médias de masse nous maintiennent de force au niveau 1. Les rares médias francophones étrangers officiels qui parlent depuis le niveau 4, sans que ça veuille dire qu’ils ne donnent que la vérité, sont les ennemis de l’Empire. Leur droit d’émettre en territoire français est menacé à tout instant. Ils doivent être extrêmement prudents dans leurs publications, ce qui limite leur lisibilité. Cela ne devrait empêcher personne de les consulter tant que c’est encore possible.

La crise des GJ et celle du Covid sont des accélérateurs de passage d’un niveau donné à un niveau plus élevé. Ces conversions sont des éveils, ainsi, les gens qui montent d’un niveau ne redescendent jamais. Chaque passage implique un peu plus d’investissement en temps, pour comprendre ce qui se passe.

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